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L'oeuvre de John Cleland

Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir Introduction, essai bibliographique par Guillaume Apollinaire

9781465637345
281 pages
Library of Alexandria
Overview
«A Londres, dit Casanova, on peut bien inviter un homme comme il faut à dîner en compagnie à la taverne, où il paye son écot, c'est l'habitude, mais non à sa propre table. Je fus un jour invité, au parc Saint-James, par un cadet du duc de Beaufort, à manger des huîtres et à boire une bouteille de champagne. J'acceptai, et arrivé à la taverne il commanda des huîtres et une bouteille de champagne. Mais nous en bûmes deux, et il me fit payer la moitié de la seconde. Telles sont les mœurs au delà de la Manche. On me riait au nez quand je disais que je mangeais chez moi, parce qu'aux tavernes on ne donnait pas la soupe:—Êtes-vous malade? me disait-on, car la soupe n'est bonne que pour les gens malades.» L'Anglais est souverainement carnivore; il ne mange presque pas de pain et se prétend économe, parce qu'il épargne la dépense de la soupe et du dessert, ce qui m'a fait dire que le dîner anglais n'a ni commencement ni fin. La soupe est considérée comme une grande dépense, parce que les gens de service même ne voudraient pas manger de la viande qui aurait servi à faire le bouillon. Ils prétendent que le bouilli n'est bon que pour être donné au chien. Au fait, le bœuf salé qui leur en tient lieu est excellent. Il n'en est pas de même de leur bière, à laquelle il me fut impossible de m'accoutumer, son amertume me paraissant insoutenable. Au reste, ce qui contribua peut-être à m'en dégoûter, ce furent les vins excellents de France que mon marchand de vin me fournissait; ils étaient très purs, mais très chers.» Voici une autre visite de Casanova dans une taverne: «... J'allai dîner à Star-tavern, où l'on m'avait dit que l'on trouvait les filles les plus jolies et les plus réservées de Londres. C'était de lord Pembroke que je tenais cette nouvelle; il y allait fort souvent. En arrivant à la taverne, je demande un cabinet particulier, et le maître, s'apercevant que je ne parlais pas l'anglais, vint me tenir compagnie, m'aborda en français, ordonna ce que je voulais et m'étonna, par ses manières nobles, graves et décentes, au point que je n'eus pas le courage de lui dire que je désirais dîner avec une jolie Anglaise. Je lui dis à la fin, avec des détours très respectueux, que je ne savais pas si lord Pembroke m'avait trompé en me disant que je pourrais trouver chez lui les plus jolies filles de Londres.