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Intermèdes

9781465686022
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Dire qu’il est tombé, c’est trop vrai. Sa rupture avec l’Église ne peut s’appeler autrement qu’une chute : après cette catastrophe, il n’a plus rien fait qui vaille. Il s’est voué à une stérilité plus morte que la mort du sarment arraché du cep et qui sèche dans la poussière d’un grenier ; car le sarment saura au moins nourrir le feu, chose de vie, chose joyeuse et sainte ; tandis que les derniers ouvrages de Lamennais, l’Esquisse d’une philosophie, le Livre du peuple, sont frigides comme le prêche d’un pasteur anglais débité sur une banquise du pôle. Le bruit de sa chute fut énorme ; nous en percevons, près d’un siècle après, le retentissement. Ses travaux antérieurs le mettaient, dans l’Église de France, dans l’essor de la pensée française, au premier plan. Il avait été l’apologiste ultramontain de la souveraineté du Saint-Siège ; la condamnation des Paroles d’un croyant ruina l’espérance d’un accord possible entre les dogmes de l’Église et ceux de la Révolution. S’il n’avait pas été frappé, sa personne occuperait moins de place sur la scène de son temps. Les hommes raisonnables n’ont point d’histoire. La curiosité flaire, comme son vrai gibier, ce qui est excentrique, hétérodoxe, anormal. Nulle tragédie ne saisit le cœur autant que le spectacle d’un prêtre qui perd la foi ; il semble qu’on assiste à l’écroulement d’un monde. L’âme de Lamennais fut une âme à spirales, à réduits secrets ; les fanaux de l’analyse la scruteront indéfiniment sans en épuiser l’inconnu. Un récent livre ajoute de poignantes clartés à l’investigation de ces profondeurs ; il suit les cheminements de la révolte, ses points d’arrêt, les réactions de la croyance, et l’historien conclut que le terme de la crise était évitable. M. Pierre Harispe, qui a mis en nobles vers, dans sa Divine tragédie, la théodicée catholique, veut, tout en défendant la sévère orthodoxie, rester un mennaisien fervent. D’après lui, sans les intrigues politiques qui enserraient la cour pontificale, sans la pression qu’exerçaient par leurs ministres le tsar de Russie, le roi de Prusse et surtout le prince de Metternich, la censure de Grégoire XVI eût été épargnée aux Paroles d’un croyant. La foi de Lamennais n’aurait peut-être pas succombé.