Le Baiser en Grèce
                                                            
                                    
                                            Bagneux de Villeneuve 
                                    
                                
                            9781465669278
                                213 pages
                            Library of Alexandria
                            
                            
                                
                         
                        
                                
Overview
                                Voilà qui est parler franc. L’orateur qui s’exprime en ces termes — et devant des magistrats — quel qu’il soit (on peut en effet contester que Démosthène ait vraiment prononcé le plaidoyer contre Nééra) sait bien qu’il ne risque pas de froisser le sentiment public, non plus que d’attenter à la morale légale : il constate, il enregistre le classement des femmes à Athènes, tel que les mœurs l’ont établi, tel que les mœurs le maintiennent. Pour le baiser de volupté, la recherche du plaisir, la satisfaction de l’instinct lubrique même ; pour l’art ou la science du baiser enfin, l’Athénien a l’hétaïre et la courtisane. Pour les exigences quotidiennes, ou plus modestement périodiques, de ses sens, il garde à sa portée une pallaque, qui peut en quelque façon être associée à la vie familiale. Enfin pour perpétuer sa race, veiller au foyer, élever les enfants, il choisit une jeune fille de famille honorable et l’enferme au gynécée à l’abri de toute tentation. Hors de toute prétention à la philosophie, il est bien permis de constater que cette organisation était manifestement profitable et commode au sexe fort, en prévoyant jusqu’à la satisfaction du vice, du moins de ce que nous avons ainsi dénommé ; car les anciens ne regardaient pas du même œil que nous « les plaisirs de l’amour ». Chez eux les devoirs et les sentiments de famille étaient une chose, une chose grave, étroitement liée à la religion nationale ; et c’en était une autre, tout aussi grave peut-être, que de satisfaire aux besoins de la chair. Les dieux auraient mauvaise grâce à les condamner, puisque eux-mêmes s’y livraient avec impétuosité, avec voracité. Il convenait seulement de maintenir le respect et l’intégrité du foyer familial, sauvegarde de l’ordre et de la grandeur du pays. Au foyer il importe surtout de préserver l’ignorance de la jeune fille. C’est pourquoi les vierges d’Athènes étaient presque condamnées à la clôture asiatique dans un appartement qui, leur étant réservé, prenait le nom de Parthénon. Déjà dans les temps primitifs la jeune fille aurait été blâmée qui, sans l’aveu de son père et de sa mère, se serait mêlée aux hommes avant d’avoir célébré publiquement son union. Et la situation ne s’est guère modifiée avec le temps. L’éducation de la jeune fille, à Athènes, était faite dans le gynécée ; elle n’allait ni à la palestre, ni à l’école. Elle se mariait très jeune, et par conséquent très ignorante ; elle suivait un étranger, dès l’âge nubile, sans être consultée sur son choix, sans le connaître, sans l’avoir vu. Elle n’est élevée que pour l’hyménée. Les épigrammes funéraires de jeunes filles mortes prématurément expriment toujours le regret du lit nuptial.