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Les caravanes d'un chirurgien d'ambulances pendant le siége de Paris et sous la commune

Désiré Joseph Joulin

9781465656216
108 pages
Library of Alexandria
Overview
Dans ce tohu-bohu militaire qui fut le siége de Paris, la chirurgie devait malheureusement jouer un grand rôle. Aussi, dès le début, le corps médical organisa les secours avec un dévouement dont je ne lui ferai pas l'injure de le féliciter, car il fait partie de ses traditions, de ses devoirs, de ses habitudes. Le médecin se dévoue aussitôt que surgit un malheur public qu'il peut soulager, et cela sans craindre d'écraser ses contemporains sous un lourd fardeau de reconnaissance, car il sait parfaitement qu'il est sans exemple dans l'histoire que le public ait jamais tenu compte au médecin de son dévouement une fois que le péril est passé. Les ambulances constituaient la question d'urgence, mais toute l'organisation en fut abandonnée à l'initiative ou à l'inexpérience individuelle. Chacun fit du mieux qu'il put, chercha ses ressources là où il espéra les prendre. Les uns, comme l'Internationale et la Presse, avec leurs puissants moyens d'action, reçurent des capitaux considérables et firent les choses tout à fait en grand ; d'autres, plus modestes, sollicitèrent à domicile des souscriptions et un concours qui firent rarement défaut. Enfin, le zèle de tous accomplit des prodiges de charité. L'administration supérieure, qui poussa l'incapacité jusqu'au génie, eut le bon goût de s'effacer et de nous laisser faire au début, et c'est une des rares choses dont on lui aurait su gré, si elle avait eu l'intelligence de persister dans cet effacement. Malheureusement le gouvernement possède dans sa collection de rouages inutiles un vieux dieu, sans bras ni jambes, fétiche perclus du cerveau, dur d'oreille et voulant tout engloutir dans ses vastes mâchoires démeublées. Ce dieu vorace et impuissant se nomme l'INTENDANCE. Aussi longtemps que les ambulances furent en voie de création, l'intendance respecta religieusement cette phase pénible de l'existence des choses nouvelles, mais aussitôt que les ambulances organisées furent en état de rendre des services, l'intendance, escortée de ses riz-pain-sel, se fit porter au milieu de la route pour empêcher les ambulanciers de passer et leur dit en langage administratif, que je traduis ici pour la commodité du lecteur: « Je suis l'intendance, et j'ai dans mes attributions ce qui concerne les réparations de la peau militaire. Vous voulez me faire une concurrence déloyale puisque vous prétendez faire et bien faire, à vos frais, sans qu'il en coûte un sou à l'État, une besogne pour laquelle l'État me paye très-cher, et que je fais fort mal. Par le foin qui remplit mes bottes! je ne puis vous permettre un pas de plus dans cette voie fatale. Je vous absorbe ou je vous brise ; choisissez entre mes vices et ma colère. Mes vices sont aimables, et ma colère terrible. J'aime mieux priver la société de vos services que de vous voir rendre des services à côté de moi, qui suis habituée à n'en rendre qu'à moi-même. »