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Les partis politiques en Province

9781465640987
201 pages
Library of Alexandria
Overview
Expirant sous les débris de la société antique, le dix-huitième siècle légua à son successeur l'impérieux devoir de trouver aux nations délaissées une nouvelle moralité. La révolution de 89 brillera dans l'avenir, comme une vaste épopée de l'esprit humain. Ce fut le cri lugubre d'un monde corrompu succombant sous les coups d'une génération nouvelle, qui s'emparait de la vie avec une impitoyable fureur; ce fut l'acclamation spontanée et magnifique d'un peuple malheureux, qui s'échappait des bastilles de la féodalité; ce fut l'horrible immolation d'une caste sociale qui avait absorbé en elle seule la puissance et la richesse de la nation; enfin, ce fut l'apparition du principe de l'égalité, déposé par Jésus dans la conscience du genre humain, qui, perçant l'enveloppe de la foi, se constituait une vérité de l'intelligence. Dans le petit nombre de lois fondamentales de l'esprit humain, il y en a une qui les domine toutes: c'est le dogmatisme de la volonté. La volonté de l'homme est une puissance primitive, qui ne se soumet qu'à un principe supérieur; jamais elle n'accorde à une simple volonté comme elle, le droit de la commander, si cette dernière ne puise ce droit dans une source impersonnelle. Deux volontés individuelles sont deux unités d'une même nature, qui ne peuvent faire nombre, parce que l'une ne saurait se subordonner à l'autre. Si dans les coups dont on l'accable, le soldat autrichien croyait voir l'effet de la volonté du caporal qui les lui administre, il l'égorgerait à l'instant même; mais sachant que le caporal n'est qu'un misérable instrument, il remonte le fleuve de la hiérarchie sociale, et va chercher la cause de son supplice jusque sur le trône de l'empire, où sa raison trébuche et s'anéantit: l'histoire de l'humanité confirme ce principe. Cependant la société serait-elle possible avec ce tourbillon de volontés individuelles, si un lien ne les réunissait pour en former un tout harmonieux? évidemment non. Quel sera donc ce verbe mystérieux qui établira l'ordre dans le chaos? Ici se partagent les philosophes, et se multiplient les systèmes. Pour qu'une volonté surgisse du sein de ses égales et vienne leur imposer sa loi, il faut de toute nécessité qu'elle soit appuyée de l'une des deux puissances qui seules, en ce monde, dominent les volontés individuelles: de Dieu ou de l'humanité. Dieu et l'humanité, sources sacrées d'où s'épandent les principes des sociétés; fleuves immenses aux cours desquels doit se retremper la volonté qui prétend régir les nations. Lorsque cette volonté émane de Dieu, c'est un tuteur vigilant qui ne livre la liberté aux peuples qu'à mesure qu'ils avancent dans le progrès; mais si elle s'échappe de l'acclamation des masses, alors elle est le vœu intelligent des hommes émancipés. Dans le premier cas, elle s'appelle royauté, dans le second, souveraineté nationale. Il est de l'essence de tout véritable principe d'être impersonnel, et d'appartenir aux lois générales de la raison; et comme tel, il trouve toujours une respectueuse obéissance. Mais aussitôt que ce principe quitte les régions élevées où il a été conçu, et qu'il tombe dans la personnalité, en perdant sa pureté originelle, il perd aussi sa force sociale; il s'incarne alors, il s'individualise, il s'abâtardit sous la volonté mesquine d'un homme ou d'une caste, et il périt comme un fait isolé. Or, la volonté individuelle qui a reçu le baptême de Dieu ou de l'humanité, se dépouille de son caractère humain, elle quitte la terre et monte, comme le Christ, au séjour des principes; c'est à ce titre qu'il lui est possible de gouverner les hommes. Que si, par la succession des temps, elle manquait à sa haute destinée, alors elle devra s'attendre à la résistance des autres volontés, qui ne verront plus en elle qu'une force individuelle, sans mission et sans droit.