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La vie nomade et les routes d'Angleterre au 14e siècle

9781465624345
301 pages
Library of Alexandria
Overview
Il y a peu de nomades aujourd'hui; les petits métiers qui s'exerçaient le long des routes, dans chaque village rencontré, disparaissent devant nos procédés nouveaux de grande fabrication. De plus en plus rarement on voit le colporteur déboucler sa balle à la porte des fermes, le cordonnier ambulant réparer sur le bord des fossés les souliers qui, le dimanche, remplaceront les sabots, le musicien venu on ne sait d'où chanter aux fenêtres ses airs monotones interminables; les pèlerins de profession n'existent plus; les charlatans même perdront bientôt leur crédit. Au moyen âge, il en était tout autrement; beaucoup d'individus étaient voués à une existence errante et commençaient au sortir de l'enfance le voyage de leur vie entière. Les uns au grand soleil, sur la poussière des chemins fréquentés, promenaient leurs industries bizarres; les autres dans les sentiers détournés ou même à travers les taillis cachaient leur tête aux gens du shériff, une tête soit de criminel, soit de fugitif, «tête de loup, que tout le monde pouvait abattre,» selon la terrible expression d'un juriste anglais du treizième siècle. Parmi ceux-ci, beaucoup d'ouvriers en rupture de ban, malheureux et tyrannisés dans leurs hameaux, qui se mettaient en quête de travail par tout le pays, comme si la fuite pouvait les affranchir: «Service est en le sank [1]!» leur répondait le magistrat; parmi ceux-là, des colporteurs chargés de menues marchandises, des pèlerins qui de Saint-Thomas à Saint-Jacques allaient quêtant sur les routes et vivant d'aumônes, des pardonneurs, nomades étranges, qui vendaient au commun peuple les mérites des saints du paradis, des frères mendiants et des prêcheurs de toute sorte qui, suivant l'époque, faisaient entendre aux portes des églises des harangues passionnées ou les discours égoïstes les plus méprisables. Toutes ces vies avaient ce caractère commun que, dans les grands espaces de pays où elles s'écoulaient, et où d'autres vies se consumaient immobiles, tous les jours sous le même ciel et dans le même labeur, elles servaient comme de lien entre ces groupes éloignés que les lois et les mœurs rattachaient au sol. Poursuivant leur œuvre singulière, ces errants, qui avaient tant vu et connu tant d'aventures, servaient à donner aux humbles qu'ils rencontraient sur leur passage quelque idée du vaste monde à eux inconnu. Avec beaucoup de croyances fausses et de fables, ils faisaient entrer dans le cerveau des immobiles certaines notions d'étendue et de vie active qu'ils n'auraient guère eues sans cela; surtout ils fournissaient aux gens attachés au sol des nouvelles de leurs frères de la province voisine, de leur état de souffrance ou de bonheur, et on les enviait alors ou on les plaignait et on se répétait que c'étaient bien là des frères, des amis à appeler au jour de la révolte.