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Le temple de Gnide

9781465605177
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Vénus préfère le séjour de Gnide à celui de Paphos et d'Amathonte. Elle ne descend point de l'Olympe sans venir parmi les Gnidiens. Elle a tellement accoutumé ce peuple heureux à sa vue, qu'il ne sent plus cette horreur sacrée qu'inspire la présence des dieux. Quelquefois elle se couvre d'un nuage, et on la reconnaît à l'odeur divine qui sort de ses cheveux parfumés d'ambroisie. La ville est au milieu d'une contrée sur laquelle les dieux ont versé leurs bienfaits à pleines mains: on y jouit d'un printemps éternel; la terre, heureusement fertile, y prévient tous les souhaits; les troupeaux y paissent sans nombre, les vents semblent n'y régner que pour répandre partout l'esprit des fleurs: les oiseaux y chantent sans cesse; vous diriez que les bois sont harmonieux: les ruisseaux murmurent dans les plaines: une chaleur douce fait tout éclore; l'air ne s'y respire qu'avec la volupté. Auprès de la ville est le palais de Vénus. Vulcain lui-même en a bâti les fondemens; il travailla pour son infidèle quand il voulut lui faire oublier le cruel affront qu'il lui fit devant les dieux. Il me serait impossible de donner une idée des charmes de ce palais: il n'y a que les Grâces qui puissent décrire les choses qu'elles ont faites. L'or, l'azur, les rubis, les diamans y brillent de toutes parts… Mais j'en peins les richesses, et non pas les beautés. Les jardins en sont enchantés: Flore et Pomone en ont pris soin; leurs nymphes les cultivent. Les fruits y renaissent sous la main qui les cueille; les fleurs succèdent aux fruits. Quand Vénus s'y promène entourée de ses Gnidiennes, vous diriez que, dans leurs jeux folâtres, elles vont détruire ces jardins délicieux; mais, par une vertu secrète, tout se répare en un instant. Vénus aime à voir les danses naïves des filles de Gnide. Ses nymphes se confondent avec elles. La déesse prend part à leurs jeux; elle se dépouille de sa majesté; assise au milieu d'elles, elle voit régner dans leur cœur la joie et l'innocence. On découvre de loin une grande prairie, toute parée de l'émail des fleurs. Le berger vient les cueillir avec sa bergère; mais celle qu'elle a trouvée est toujours la plus belle, et il croit que Flore l'a faite exprès. Le fleuve Céphée arrose cette prairie et y fait mille détours. Il arrête les bergères fugitives: il faut qu'elles donnent le tendre baiser qu'elles avaient promis. Lorsque les nymphes approchent de ses bords, il s'arrête; et ses flots qui fuyaient trouvent des flots qui ne fuient plus. Mais lorsqu'une d'elles se baigne il est plus amoureux encore, ses eaux tournent autour d'elle; quelquefois il se soulève pour l'embrasser mieux; il l'enlève, il fuit, il l'entraîne. Ses compagnes timides commencent à pleurer: mais il la soutient sur ses flots; et, charmé d'un fardeau si cher, il la promène sur sa plaine liquide. Enfin, désespéré de la quitter, il la porte lentement sur le rivage, et console ses compagnes.