Title Thumbnail

Histoire du Bas-Empire (Complete)

Charles Le Beau

9781465575074
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Je me propose d'écrire l'histoire de Constantin et de ses successeurs jusqu'au temps où leur puissance, ébranlée au-dehors par les attaques des Barbares, affaiblie au-dedans par l'incapacité des princes, succomba enfin sous les armes des Ottomans. L'empire romain, le mieux établi qui fut jamais, fut aussi le plus régulier dans ses degrés d'accroissement et de décadence. Ses différents périodes ont un rapport exact avec les différents âges de la vie humaine. Gouverné dans ses commencements par des rois, qui lui formèrent une constitution durable; toujours agissant sous les consuls, et fortifié par l'exercice continuel des combats, il parvint sous Auguste à sa juste grandeur, et soutint sa fortune pendant trois siècles, malgré les désordres d'un gouvernement tout militaire. L'ouvrage que j'entreprends, est l'histoire de sa vieillesse: elle fut d'abord vigoureuse, et le dépérissement de l'état ne se déclara sensiblement que sous les fils de Théodose. De là à la chute entière, il y a plus de mille ans. La puissance des Romains avait la même consistance que leurs ouvrages: il fallut bien des siècles et des coups réitérés pour l'ébranler et pour l'abattre; et quand je considère d'un côté la faiblesse des empereurs, de l'autre les efforts de tant de peuples qui entament successivement l'empire, et qui sur ses débris établissent tous les royaumes de l'Europe en-deçà du Rhin et du Danube, je crois voir un ancien palais, qui se soutient encore par sa masse et par la stabilité de sa structure, mais qu'on ne répare plus, et que des mains étrangères démolissent peu à peu et détruisent à la longue, pour profiter de ses ruines. Il est vrai que les siècles antérieurs présentent une scène plus vive et plus brillante. On y voit des actions plus héroïques, et des crimes plus éclatants: les vertus et les vices étaient des effets ou des excès de vigueur et de force. Ici les uns et les autres portent un caractère de faiblesse: la politique est plus timide; les intrigues de cour succèdent à l'audace; le courage militaire n'est plus dirigé par la discipline; les Romains de ces derniers temps ne songent qu'à se défendre, quand leurs ancêtres osaient attaquer: la scélératesse devient moins entreprenante, mais plus sombre; la haine et l'ambition emploient le poison plus souvent que le fer: cet esprit général, cette ame de l'état, qu'on appelait amour de la patrie, et qui en tenait toutes les parties liées ensemble, s'anéantit et fait place à l'intérêt personnel; tout se désunit, et les Barbares pénètrent jusque dans le cœur de l'empire. Ces objets, quoique plus obscurs, n'en méritent pas moins l'attention d'un lecteur judicieux. L'histoire de la décadence de l'empire romain est la meilleure école des états qui, parvenus à un haut degré de puissance, n'ont plus à combattre que les vices qui peuvent altérer leur constitution. Il a fallu, pour le détruire, toutes les maladies dont une seule peut renverser des gouvernements moins solidement affermis. Un tableau si sombre sera pourtant éclairé par des traits de lumière. Lors même que toute vertu paraîtra éteinte, et que tout l'empire semblera sans action et sans ame, on verra quelquefois, pour ainsi dire, du milieu de ces tombeaux s'élever des héros; et ce qui pourra encore entretenir la curiosité des lecteurs, et donner quelque chaleur à cette histoire, c'est qu'ils verront de temps en temps sortir des ruines de l'empire de puissants états, dont les uns sont aujourd'hui déja détruits, et les autres subsistent encore avec gloire, quoiqu'ils n'occupent qu'une petite portion de la vaste étendue que remplissait la domination romaine. Le règne de Constantin est une époque fameuse. La religion chrétienne arrachée des mains des bourreaux, pour être revêtue de la pourpre impériale, et le siége des Césars transféré de Rome à Byzance, donnent à l'empire une face toute nouvelle. Mais avant que de raconter ces grands événements, je dois exposer quel était alors l'état des affaires.