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Du Niger au golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi (Complete)

Louis Gustave Binger

9781465573414
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Dans un moment où toutes les puissances de l’Europe jetaient leur dévolu sur l’Afrique, et où, tous les jours, on entendait parler d’événements qui venaient s’y dérouler, il aurait été difficile à un officier d’infanterie de marine, ayant déjà fait deux séjours au Sénégal et au Soudan français, de rester indifférent et de se contenter d’enregistrer les prises de possession des nations européennes sans s’en émouvoir quelque peu. La France avait l’avance dans cette partie du monde et il ne fallait pas la laisser distancer par ses rivales. C’était le vœu de tout le monde, et je m’y associais de grand cœur. Aussi, comme beaucoup de camarades, l’étude des voyages, surtout pour la partie qui concernait le Sénégal, était ma distraction favorite. Je caressais peu à peu le rêve d’aller noircir un des grands blancs de la carte d’Afrique. Entre les deux branches du Niger et le golfe de Guinée, les éditeurs de cartes, pour donner satisfaction au public, qui a horreur du vide, avaient semé un peu au hasard, d’après des traditions légendaires et des informations indigènes — souvent difficiles à comprendre ou à interpréter, — un certain nombre de cours d’eau indécis, de montagnes hypothétiques, de noms d’États et de peuples, effacés comme des souvenirs de l’antiquité. C’est là, dans cette terre vierge d’explorations, dans le cœur de cet inconnu, que je voulais pénétrer. Je m’en ouvris à quelques amis dévoués, qui ne réussirent pas à me faire partir. Je commençais à désespérer, lorsque, à la suite de quelques travaux linguistiques que je fis paraître au retour d’une mission topographique dans le Soudan français, j’eus le bonheur d’être attaché à la personne du général Faidherbe, comme officier d’ordonnance. L’ancien et illustre gouverneur du Sénégal m’encouragea à persévérer dans mon idée, et un an après (à la fin de 1886), grâce à son appui, M. Flourens, ministre des affaires étrangères, et M. de la Porte, sous-secrétaire d’État aux colonies, me confièrent l’importante reconnaissance géographique de la boucle du Niger et la mission politique de relier nos établissements du Soudan français au golfe de Guinée. Ce n’est pas chose facile que d’organiser une mission qui doit durer deux ans au minimum. Je voulais marcher seul, avec le plus petit nombre de personnel possible. Pour cela, il fallait me constituer une pacotille peu volumineuse, où cependant toutes les industries seraient à peu près représentées. Dans ces régions, l’échange direct n’existe pas ; avant de faire un achat, il faut transformer les objets de la pacotille en monnaie courante acceptée dans le pays. On peut dire que le succès de la mission dépend en grande partie de sa préparation. Le voyageur doit surtout s’attacher à emporter des charges ayant le moins de volume et de poids possible, mais beaucoup de valeur. Le corail, l’ambre, les perles, les soieries, remplissent très bien ce but ; mais, comme on est appelé à traverser des régions où la civilisation n’est pas assez avancée, il est nécessaire d’emporter aussi des articles de moindre valeur dans une proportion à déterminer. Pour conserver précieusement sa pacotille, la préserver des rosées et lui permettre de tomber impunément plusieurs centaines de fois à l’eau, il faut également faire choix d’un emballage qui remplisse ces conditions. Toutes mes marchandises étaient enveloppées dans une toile molesquine, puis roulées dans une couverture en laine, qui elle-même était renfermée dans un sac sulfaté fermant à cadenas, et de dimensions telles qu’il pût être porté à dos d’hommes ou constituer une demi-charge d’âne (30 kilogrammes au maximum). En outre, les papiers et choses précieuses étaient renfermés dans des boîtes en fer-blanc.