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Jean

9781465529503
pages
Library of Alexandria
Overview
Une heure après minuit venait de sonner à l'église de Saint-Paul; depuis long-temps le silence régnait dans les rues devenues désertes; les habitans du septième arrondissement dormaient, ou du moins étaient couchés, ce qui n'est pas absolument synonyme. Le quartier populeux de la rue Saint-Antoine n'était plus fréquenté que par quelques retardataires, ou par ces gens qui, par état, se mettent, en course la nuit. Les uns marchaient au pas accéléré, passant volontiers de l'autre côté de la rue lorsqu'ils apercevaient quelqu'un venir contre eux; les autres s'arrêtaient devant chaque maison, et la lune, qui brillait alors, éclairait tout cela; elle éclairait encore bien autre chose, puisqu'il n'y en a qu'une pour les quatre parties du monde, et qu'il faut qu'elle serve de fanal aux habitans de l'Europe et de l'Asie, qu'elle se réfléchisse en même temps dans les eaux du Nil et dans celles du Tibre; que ses rayons éclairent les vastes plaines de l'Amérique et les déserts de l'Arabie; les bords rians du Rhône et les cataractes du Niagara; les ruines de Memphis et les édifices de Paris… On conviendra que c'est bien peu d'une lune pour tout cela. M. François Durand, herboriste de la rue Saint-Paul, homme de quarante ans alors, qui faisait son état autant par goût que par intérêt, se flattant de connaître les simples mieux qu'aucun botaniste de la capitale, et se fâchant quand on l'appelait grainetier, était couché depuis onze heures, selon son invariable coutume, dont il ne s'était jamais écarté, même le jour de son mariage; et depuis douze ans, M. François Durand s'était engagé sous les drapeaux de l'hymen avec mademoiselle Félicité Legros, fille d'un marchand de drap de la Cité. M. Durand était donc couché, et il reposait loin de son épouse, pour une raison que vous saurez bientôt; M. Durand dormait fort, parce que la connaissance des simples ne lui échauffait pas l'imagination au point de le priver de sommeil; et il y avait déjà quelques instans que sa domestique Catherine lui secouait le bras et criait à ses oreilles, lorsqu'il ouvrit enfin les yeux et releva à demi la tête de dessus son oreiller en disant: «Qu'est-ce donc, Catherine?… Qu'est-ce que c'est?… Pourquoi ces cris