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Véritables mémoires de Cagliostro

9781465683366
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Que vient de m’apprendre Fra Pancrazio, mon geôlier et ami ? La Révolution française se fâche, et le roi Louis a été décapite au moyen d’une machine appelée « guillotine », qu’un médecin français s’imagine avoir inventée, bien qu’elle ait été employée, il y a fort longtemps déjà, à Rome particulièrement, car on lit dans la relation du supplice des Cenci : « Quand la signora Lucrezia se fut étendue sur la planche, le bourreau lâcha le ressort, et le couperet tomba. » Un peuple libre, un roi tué, que d’histoire en peu de jours ! Et moi, que fais je ici ? Dans quel sépulcre m’a t on plongé ? Au moment où une volonté suprême bouleverse l’Europe et la jette dans les aventures, je pourris entre quatre murs. Pourtant, n’est ce pas par moi et les miens que cette révolution a été préparée ? Ne l’ai je pas annoncée dans mes prophéties ? N’est ce pas moi qui ai prédit trois ans d’avance la chute de la Bastille ? Ah ! la France était encore le meilleur pays ! J’avais bien besoin, moi, le divin Cagliostro, de venir à Rome, comme un imbécile, me mettre sous la griffe de l’Inquisition ! M’ont ils assez torturé, assez humilié, ces moines m’ont ils fait assez plat, assez lâche, dans leurs monstrueux interrogatoires ! Cependant, que faire ? Attendre. Je me sens plus fort, plus ardent que jamais. Ai je cinquante ans ? A peine. Et puis, quelle imagination est ce là ? ne suis je pas immortel ? Pour se résigner, pour se réserver avec fruit, il faut être sans colère, sans emportement, et quand on ne peut oublier, il faut se souvenir. Cela use le temps. — Si je racontais à Fra Pancrazio cette étrange histoire que je traîne après moi, inconnue, prodigieuse, obscure et éblouissante à la fois ? Oui, je l’écrirai et la lui lirai ; cela nous amusera tous les deux. Pancrazio m’est fidèle. Cet espion qu’on a placé près de moi pour me vendre, est devenu mon ami. Il m’appartient, car je l’ai fait Rose Croix et l’ai converti à la Lumière. D’ailleurs, s’il m’arrivait quelque chose, — on ne sait jamais à quoi s’en tenir avec la sainte Église romaine, — ces papiers seraient un adieu pour ma femme, pour cette pauvre Lorenza, qui doit bien s’ennuyer au couvent de Sainte Apolline. Que diantre peut elle y faire, elle qui, de sa vie, n’a récité un Ave ? Je sais bien qu’elle cause et badine avec son confesseur et qu’elle voit de loin, le matin, le prêtre qui dit la messe. C’est quelque chose, cela. Un couvent vaut mieux qu’une prison. O mon Dieu ! je l’atteste et vous prie d’y réfléchir, je n’ai vu depuis quatre ans que la jupe de la Madone ! Le temps n’est plus où je donnais le Baiser de Paix à tant de belles Initiées ! Chassons ces chimères aimables et commençons d’écrire la Divine Aventure du comte de Cagliostro.