Clovis (Complete)
9781465682857
213 pages
Library of Alexandria
Overview
L'histoire de la société moderne a gravité pendant plusieurs siècles autour d'un peuple prédestiné, qui en a écrit les pages les plus mémorables: je veux parler du peuple franc. Le premier après la chute du monde antique, il a jeté un germe de vie dans la poussière de mort où gisait l'humanité, et il a tiré une civilisation opulente de la pourriture de l'Empire. Devenu, par son baptême, le fils aîné de l'Église, il a fondé dans les Gaules le royaume le plus solide de l'Europe, il a renversé les orgueilleuses monarchies ariennes, il a groupé sous son autorité et introduit dans la société chrétienne les nationalités germaniques, il a humilié et tenu en échec l'ambition de Byzance, et, dès le sixième siècle, il a été à la tête du monde civilisé. Devant l'orage formidable que l'islam déchaînait sur le monde, il a été seul à ne pas désespérer de l'avenir: il s'est attribué la mission de défendre la chrétienté aux abois, et il a rempli sa tâche dans la journée de Tours, en posant au croissant des limites qu'il n'a plus jamais franchies. Maître de tout l'Occident, il a donné au monde une dynastie qui n'a pas sa pareille dans les fastes de l'humanité, et dont toutes les gloires viennent se réunir dans la personne du plus grand homme d'État que le monde ait connu: Charlemagne. Au faîte de la puissance, il s'est souvenu de ce qu'il devait à l'Église: après l'avoir sauvée de ses ennemis, il l'a affermie sur son trône temporel, et, armé du glaive, il a monté la garde autour de la chaire de saint Pierre, tranchant pour plus de mille ans cette question romaine qui se pose de nouveau aujourd'hui, et qui attend une solution comme au temps d'Astolphe et de Didier. La papauté lui a témoigné sa reconnaissance en consacrant par ses bénédictions une autorité qui voulait régner par le droit plus encore que par la force; elle a jeté sur les épaules de ses rois l'éclat du manteau impérial, et elle a voulu qu'ils prissent place à côté d'elle, comme les maîtres temporels de l'univers. La haute conception d'une société universelle gouvernée tout entière par deux autorités fraternellement unies est une idée franque, sous le charme de laquelle l'Europe a vécu pendant des siècles. Après s'être élevé si haut qu'il n'était pas possible de gravir davantage pour le bien de la civilisation, le peuple franc, par une disposition providentielle, s'est morcelé lui-même, se partageant pour mieux se multiplier, et léguant quelque chose de son âme à toutes les nations qui sont nées de lui. Son nom et son génie revivent dans la France; mais la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne ont eu leur part de l'héritage commun, et l'on peut dire que l'Italie et l'Espagne elle-même ont été vivifiées par leur participation partielle et temporaire à sa féconde existence.