Title Thumbnail

Maïtena: Roman

9781465680150
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Le goujat était sorti en traînant ses sabots pour aller dormir dans l’étable. Sous le haut chambranle de sa cuisine, Maïténa Otéguy, la figure égayée par le feu, la jupe relevée sur la chair grasse et musclée de ses jambes que la chaleur marbrait de veinules rouges, s’amusait à faire griller des châtaignes. Elle les mangeait brûlantes, sans éloigner sa figure de la flamme, de ses petites dents polies, les lèvres haut retroussées. Le silence convenait au vide de son esprit. Rythmés, le bruit de la pendule et la respiration d’un enfant qui dormait dans la pièce à côté flottaient très doux. L’éclatement des châtaignes gonflées de feu étaient les seuls épanchements de joie de cette solitude réconfortante. Cependant, Maïténa, dont l’oreille était exercée aux mouvements de la campagne qui était au nord et du village qui était au sud de la ferme, se redressa. La boue du chemin clapotait de plus en plus distinctement : deux sabots s’approchaient de façon lente et régulière. Le vent qui soufflait dur par intermittences noya, quelques secondes, ce bruit dans ses insultes contre la quiétude des arbres. Lorsque Maïténa put entendre de nouveau, on frappait à la porte. Un vieillard aux reins ployés entra d’un coup avec une vivacité singulière. Il laissa un moment ses doigts gourds sur le loquet, puis les leva jusqu’au bord de son béret pour saluer. Ce béret, posé sur le crâne à plat comme un cèpe, garni largement de crasse au centre pareil à une tonsure, verdi à ses bords, semblait l’auréole et le cadre du visage rasé au nez et aux lèvres minces. Ses yeux étaient verts comme un feuillage tout nouveau qui sort de sa paupière hivernale. Celle-ci, plissée soigneusement pour une longue ironie, descendait très loin sur la figure. Quoique étonnée de cette visite à pareille heure, Maïténa Otéguy ne bougea pas de sa chaise, et recouvrit avec lenteur ses jambes nues pour bien indiquer à son vieux voisin qu’elle trouvait sa venue toute naturelle.