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Saint Michel et le Mont-Saint-Michel

9781465673442
213 pages
Library of Alexandria
Overview
PAR une admirable loi de cette Providence que Bossuet nous montre constamment attentive au salut des hommes, la gloire de chaque saint éclate à l’heure même du danger; sa physionomie se dévoile aux regards de chaque génération malade; ses vertus apparaissent comme le remède efficace aux plaies qui la dévorent. Oui, à l’heure où la foi languit et s’éteint, où la charité se refroidit, où la corruption menace de tout envahir, Dieu fait un signe et l’on voit apparaître ces agents qu’un écrivain du jour appelle si bien les agents extraordinaires de la vérité, de l’amour et de la sainteté. Que de fois, pour son propre compte, notre siècle a fait l’expérience de ces délicates attentions de notre Père qui est aux cieux! Notre siècle en effet ne connaît plus la fraternité chrétienne; ses fils vivent en proie à la division, à la haine; ils se consument dans les luttes misérables de l’esprit de parti. Jésus-Christ, pour ranimer parmi eux le feu sacré, leur ouvre la fournaise embrasée d’amour; il leur montre son cœur en disant: «Voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes!» Livré à l’ignominie des sens, ne connaissant plus la pureté que de nom, et ne croyant qu’aux jouissances animales, notre siècle a entendu proclamer l’immaculée conception de la très sainte Mère de Dieu. Affamé d’honneurs, dévoré d’ambition, poursuivant, sans pudeur comme sans dignité, les faveurs et les emplois, tout entier au vertige de l’orgueil, notre siècle a vu monter sur les autels une pauvre et humble bergère, le rebut de l’humanité. Adorateur de la richesse, ennemi de la pauvreté qu’il repousse comme l’insupportable opprobre, notre siècle a vu sous ses yeux la gloire de la sainteté rayonner au front d’un mendiant. C’est ainsi que toujours Dieu mesure l’énergie du remède à la profondeur du mal. Une autre plaie, réclamant elle aussi, elle surtout, la guérison, désole en ce moment la société, c’est la plaie du naturalisme. Nous ne disons pas assez, c’est la plaie du matérialisme qui achève l’abaissement des âmes. Triste et singulier spectacle en vérité que celui d’un siècle qui nie le démon et qui subit servilement son empire, qui semble avoir juré de ne plus voir, de ne plus connaître que la terre, qui ne sait plus porter ses regards vers un monde supérieur pour y rencontrer les esprits angéliques et se rapprocher du ciel, sa patrie! Quel sera l’agent extraordinaire envoyé par Dieu pour combattre ce mal et pour en triompher? Le prophète Daniel nous apporte la réponse: «En ce temps-là, dit-il, Michel, le grand prince, se lèvera, lui qui est le protecteur des enfants du peuple de Dieu; et il viendra un temps comme il n’en fut jamais depuis l’origine des nations jusqu’à ce jour. Alors seront sauvés tous ceux de votre peuple dont les noms seront trouvés inscrits dans le livre.» Or fut-il jamais depuis l’origine du monde une époque semblable à la nôtre, et nos jours ne sont-ils pas ceux qu’annonce le prophète, où saint Michel devra se lever pour nous arracher au péril et apparaître comme un sauveur? Notre siècle aurait-il eu le pressentiment de cette guérison qui doit nous venir par le puissant Archange? La dévotion de saint Michel semble en effet refleurir aujourd’hui; de nouveau l’ère des pèlerinages s’est ouverte sur la grande montagne, orgueil de notre diocèse; dans une journée dont nos annales conserveront le fier et impérissable souvenir, la statue du vainqueur de Satan a reçu les honneurs du couronnement solennel. Notre cœur d’évêque garde la mémoire de ces fêtes splendides, de ce concours prodigieux, de ces élans de piété, de cet enthousiasme enfin dépassant toute attente.