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Le Coeur chemine

9781465672285
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Vous ici, Georget !… Non… Pardon… Je veux dire… monsieur… monsieur… Ah ! tant pis !… Mais pour une rencontre ! » Était-ce la surprise ? ou la confusion de ne savoir comment appeler celui qui venait de surgir devant elle ? ou la joie ? ou le brusque afflux des souvenirs ? Que n’aurait-on pu lire, dans la visible émotion, sur ce charmant visage de femme ? Les yeux graves, qui venaient de croiser les siens, s’éclairèrent subitement. — « Madame Hardibert !… Oh ! par exemple !… — Vous ne me reconnaissiez pas ? — A peine… Vous êtes devenue… » (Il chercha le mot) « éblouissante. — Merci pour le passé, » dit Nicole en riant. — « Nous ne pouvons pas rester là, marraine, » intervint une grande fillette, qui, curieusement, examinait le nouveau venu. « Vous voyez… Nous empêchons de passer. » Tous trois quittèrent l’embrasure de la porte, rentrèrent dans la grande salle. Leur silence, leur coup d’œil autour d’eux, leur souriante stupeur, exprimaient l’étonnement de se retrouver là, dans ce Musée Plantin, à Anvers, au milieu de ces reliques, à la fois intimes et illustres, qu’abrite la vieille maison. Les fenêtres à petits carreaux verdâtres leur versaient le jour glauque de la cour, assombrie et frissonnante de lierre. Sous les vitrines des longues tables, jaunissaient des papiers couverts d’inestimables griffonnages. La signature de Rubens, celle de Martin de Vos ou de Pourbus le Vieux, acquittaient des mémoires modestes, jadis longuement discutés. Tandis que, sur les murs, les faces placides des Plantin, des Moretus et de leurs épouses, attestaient l’immortalité, reçue jadis pour solde de tout compte, grâce au pinceau de leurs glorieux fournisseurs. Cependant Mme Hardibert, dégageant par une explication le sens exquis de leur petite aventure, se tournait vers la grande fillette qui venait de l’appeller « marraine ». — « Tu vois, Toquette, ce beau monsieur-là… Eh bien, c’est un camarade d’enfance… Le fils d’un des ingénieurs de mon père… à l’usine. Nous nous sommes tutoyés quand nous étions des mioches. Mais il est parti pour faire son droit à Paris. Il est devenu un auteur célèbre. Jamais il n’a remis les pieds à la Martaude. Et il faut venir ici, à Anvers… »