Title Thumbnail

Petit bréviaire de la Gourmandise

9781465669117
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Dans Le crime de Sylvestre Bonnard, l’un des premiers et le meilleur peut-être de ses contes, ravivant la mémoire du sieur Antoine Carême, ce Napoléon de la cuisine qui mourut tout jeune encore (1784-33), brûlé par la flamme du génie et le charbon des rôtissoires, Anatole France a tiré de l’oubli un apophtegme, digne à jamais d’habiter la mémoire des hommes: « Les Beaux-Arts — dit Carême — sont au nombre de cinq, à savoir : la Peinture, la Poésie, la Musique, la Sculpture et l’Architecture, laquelle a pour branche principale la Pâtisserie. » Le grand homme en veste blanche, qui légua cette phrase rapide et magnanime aux siècles à venir, qui, s’égalant à Mansard, à Gabriel, à Claude Perrault, ne voyait entre la Colonnade du Louvre, entre le Garde-Meuble et les fruits en pyramides ou les pièces montées, aucune distinction qui ne fût à sa gloire, promulgue un axiome définitif et la plus solide vérité quand, touché par la Muse des fourneaux, il attribue à la cuisine un rang d’élection, que dis-je ? la première place dans le royaume des Beaux-Arts. Car il serait injuste de borner à la technique, enchanteresse mais subsidiaire, des Boissier ou des Rebattet, la maxime du vieux maître. Elle comprend aussi bien que le Petit-four, la broche, la casserole et toutes les sortes de fourneaux. Depuis le temps de la préhistoire, cet Age d’or où le Pithécanthrope mal évolué se nourrissait de glands, d’herbe verte et de gibier cru, buvait aux cressonnières l’eau féconde en vilaines bêtes jusqu’à l’ère auguste des Cambacérès et des Grimod, des goinfres magnanimes dont s’honora la France, au début du siècle dernier, l’homme n’a pas eu de but plus constant ni de plus chère étude que le moyen d’accroître et d’améliorer les passe-temps de bouche qui sont à la fois le premier besoin de la nature et le plus bel ornement des civilisations.