Title Thumbnail

Histoire du Canal de Suez

Ferdinand de Lesseps

9781465656643
100 pages
Library of Alexandria
Overview
Je me suis rendu avec empressement à l’aimable invitation de mes collègues de la Société des gens de lettres. D’ailleurs, c’est toujours avec un grand plaisir que je reviens dans ce quartier des Écoles. Je ne puis oublier que c’est à l’École de médecine que j’ai eu, pour la première fois, l’honneur d’entretenir le public du canal de Suez. J’ai commencé par la jeunesse patriotique et fougueuse, car si l’on a pour soi la jeunesse et les femmes, on est sûr de réussir. (Vifs applaudissements.) Dans cette dernière conférence, je serai heureux de retracer les faits historiques du percement du canal de Suez. Ce qui concerne les négociations a été publié ; les conventions avec le gouvernement égyptien sont connues de tout le monde ; pour le travail des ingénieurs, M. Lavalley a fait des rapports à la Société des ingénieurs civils. Ces diverses questions ont été bien comprises du public, qui sait par cœur l’isthme de Suez, comme si cet isthme était aux environs de Paris. Je me bornerai donc à vous raconter sommairement les circonstances qui ont amené ou accompagné l’exécution du canal. Mon récit aura peut-être quelque utilité et pourra servir à ceux qui veulent se rendre compte de l’enchaînement des faits et qui étudient le cœur humain. — Rien n’est logique comme les faits. Je vous les dirai sans préparation, et tels qu’ils me reviendront à la mémoire, ne choisissant que les principaux ou ceux qui me paraîtront devoir vous intéresser. (Très-bien ! très-bien !) On me demande tous les jours, dans le monde, comment m’est venue l’idée du canal ; rien d’utile ne se fait sans cause, sans étude et sans réflexion. Un illustre homme d’État, M. Guizot, a dit que le temps ne respectait que ce qu’il avait fait. C’est après cinq années d’études et de méditations dans mon cabinet, cinq années d’investigations et de travaux préparatoires dans l’isthme et onze années de travaux d’exécution, que nous sommes arrivés au but de nos efforts. En 1849, je fus envoyé, par le gouvernement, en mission extraordinaire à Rome, sous l’inspiration du vote d’une Assemblée souveraine. Je devais suivre une ligne de conduite déterminée par ce vote. Quand l’Assemblée législative remplaça la Constituante, on voulut me faire suivre une autre ligne de conduite que je n’ai pas à blâmer, mais que je ne pouvais admettre. Ne voulant pas trahir ma mission, j’abandonnai vingt-neuf années de service diplomatique. La politique m’ayant ainsi fait des loisirs, je me livrai à mes études premières sur l’Orient et l’Égypte, tout en me construisant une ferme dans le Berry ; cette situation se prolongea. Beaucoup de personnes m’ont jeté la pierre à cette époque et se sont détournées de moi, me reprochant de n’avoir pas changé d’opinion et de conduite. Les événements ont démontré, je crois, que la politique contraire à celle que j’avais l’ordre de suivre, et qui était conforme à mes idées, n’a pas été heureuse pour les intérêts de notre pays.