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L'esprit dans l'histoire: Recherches et curiosités sur les mots historiques

9781465654410
213 pages
Library of Alexandria
Overview
Je veux tenter de faire aujourd'hui, pour les mots soi-disant historiques qui courent par le monde et dans la plupart des ouvrages sur l'histoire de France, ce que j'ai entrepris pour les citations dans le petit livre l'Esprit des autres. Je veux encore ici, mais dans une matière plus sérieuse, tâcher de rendre à chacun ce qui lui appartient, et surtout de lui enlever ce qui ne lui appartient pas; car, je le prévois d'avance, j'aurai plutôt à dépouiller le mensonge qu'à enrichir la vérité. Heureusement celle-ci trouve surtout son compte dans chaque erreur que l'on détruit. Elle gagne tout ce que l'autre perd. Je me donne là, je le sais, un labeur rude et téméraire; cependant, tant est vif mon désir de démolir le faux et d'arriver au vrai, tant est grande ma haine pour les banalités rebattues, pour les héroïsmes non prouvés, pour les scandales et pour les crimes sans authenticité, je voulais étendre ce petit travail bien au-delà des limites que je me suis définitivement assignées, et qui sont celles de l'histoire de France. C'est à l'histoire tout entière que je voulais d'abord me prendre, principalement pour les époques anciennes, les beaux temps des mensonges; mais j'ai reculé devant ce grand effort, après l'avoir un peu mesuré. J'avoue toutefois qu'il m'en coûte d'y renoncer et de circonscrire ma tâche. Il eût été si bon de dauber d'importance sur ces immortelles erreurs! Refaisant en grand le livre ébauché au XVIIe siècle par l'abbé Lancelotti, Farfalloni de gli antichi historici, j'aurais trouvé tant de plaisir et peut-être tant d'honneur à émietter l'un après l'autre tous ces menus mensonges de l'antiquité, toutes ces fables légendaires du moyen âge, nos siècles héroïques à nous autres gens des temps modernes: je me serais si bien complu à repasser, flambeau en main, à travers ces ombres menteuses, qui ne se sont faites si épaisses et si impénétrables que pour mieux cacher des erreurs, que pour voiler plus sûrement de faux héros! Venezia, 1636.—Il en parut chez Costard, en 1770, sous ce titre: Les Impostures de l'histoire ancienne et profane, 2 vol. in-12, une traduction due à l'abbé J. Oliva, et revue par le président Rolland et Charpentier sur le manuscrit cédé à Costard par Luneau de Boisjermain (Barbier, Dict. des Anonymes, 2e édit., t. II, p. 166).—Baudelot, dans sa querelle avec l'abbé de Vallemont (V. Mém.de d'Artigny, t. II, p. 221), attaqua vivement Lancelotti pour son livre, mais l'abbé le défendit bien (Réponse à M. Baudelot, 1705, in-12, p. 57): «Les Farfalloni de Lancelotti, dit-il, sont un livre des plus agréables, et ils renferment une critique fine, judicieuse et savante. Rien n'est plus sensé que son système, par lequel il pose que les plus exacts et les plus sages des anciens historiens contiennent des faits ridicules, et qu'il faut mettre au rang des contes les plus fabuleux.»