Epitres des hommes obscurs du chevalier Ulric von Hutten traduites par Laurent Tailhade
Ulrich von Hutten
9781465654151
201 pages
Library of Alexandria
Overview
Parmi les œuvres si variées du chevalier Ulrich von Hutten (1488 à 1524), les Épîtres des Hommes obscurs, souvent appeléesÉpîtres des Hommes noirs (dans le sens péjoratif de obscurantins) constituent celle qui eut un retentissement et une action considérables, en Rhénanie d'abord et en Allemagne ensuite, au temps où la Réformation, entreprise par une réaction de probité évangélique contre la corruption et la dégénérescence monacales, commençait à inquiéter l'autorité papale et transformer la vie et la pensée religieuses de l'Europe. Ce n'est point seulement par un vif goût d'humanisme que Laurent Tailhade a été conduit à écrire une translation de ces documents dans une écriture aussi brillante et dans un sens aussi vivant que ceux du Satyricon ; plus d'une affinité apparentent le génie combattif du pamphlétaire allemand et celui du railleur étincelant à qui l'on doit Au Pays du Mufle et tant de pages où le sarcasme le dispute à l'écriture, une des plus équilibrées, harmoniques et françaises de ces années. Ulrich von Hutten qui fit de rapides et belles études à l'abbaye de Fulde, a, en peu d'années, publié — depuis un Ars Versificatoria— jusqu'à ce Traité du bois de gayaque (considéré comme guérisseur de l'avarie). Guerrier, érudit, voyageur, connu des humanistes et des princes de l'Europe entière, redouté de la papauté qui tenta en vain de l'amener à Rome pour lui faire subir les douceurs extrêmes d'une conversion raisonnée, aimé de Charles-Quint, il eut une telle renommée inter-européenne que François Ierlui offrit — sans succès — un titre de conseiller. On sait qu'il dut fuir en Suisse où Zwingli lui fit accueil et qu'il s'éteignit dans une île du lac de Zurich, à Uffnau, sous les atteintes du mal qu'il chercha en vain à guérir. Cet ennemi, si haï des moines, gît sans tombe, alors qu'un cénotaphe lui est consacré dans un mur du couvent de Notre-Dame à Einselden. Sa combattivité qui atteignit à un paroxysme de virulence lui valut de durables inimitiés et les jugements divers de ses contemporains autant que de ses critiques. La prude biographie de Michaud (que Stendhal traite souvent de menteur) dit qu'il est de ces hommes moins célèbres par leurs talents que par l'abus qu'ils en font. Luther, Mélanchton, Zwingli et même l'opportuniste Erasmus savaient le juger avec plus de pondération et reconnaissaient et son courage et son érudition, sans celer l'intempestivité de ce caractère violent. On ne l'a pas en vain appelé L'Éveilleur de l'Allemagne ; le juriste Camerarius vaticinait de lui « Ulrich de Hutten aurait bouleversé l'univers si ses forces eussent secondé ses désirs et ses entreprises.» Peut-être a-t-il manqué de chance, de mesure, de santé, ou plus simplement de génie constructif, pour être l'égal des grands incendiaires de l'Europe troublée. Les Epistolae obscurorum virorum ont été de ses satires, celles qui eurent la lecture la plus considérable et les résultats sociaux prodigieux. Elles furent écrites pour la défense du philologue Reuchling († 1523) dans le procès de tendance que lui intenta le P. Hochstraten, dominicain d'origine brabançonne, prieur du couvent de Cologne qui était moins redoutable que redouté ; Bayle écrit de ce religieux : « Il était amplement pourvu de toutes les mauvaises qualités qui sont nécessaires aux inquisiteurs et aux délateurs.» Ulrich von Hutten lui livra une guerre telle que le rencontrant il voulut le tuer ; mais la pusillanimité du moine, à genoux devant lui, désarma le terrible chevalier qui se contenta d'humilier l'adversaire et de le battre du plat de son épée. Les bibliographes les plus réputés ont attribué à une collaboration la rédaction des premières Lettres des Hommes obscurs, 41, bientôt suivies de 40 autres et 8 épîtres dans des éditions successives et multipliées ; pour la date, ils sont peu précis, mais Bayle qui paraît informé de tout avec assez d'exactitude fixe la première édition à 1515.