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Voyage à l'Ile-de-France (Complete)

9781465651693
211 pages
Library of Alexandria
Overview
Ces Lettres et ces Journaux ont été écrits à mes amis. A mon retour, je les ai mis en ordre et je les ai fait imprimer, afin de leur donner une marque publique d'amitié et de reconnaissance. Aucun de ceux qui m'ont rendu quelque service dans mon voyage n'y a été oublié. Voilà quel a été mon premier motif. Voici le plan que j'ai suivi. Je commence par les plantes et les animaux naturels à chaque pays. J'en décris le climat et le sol tel qu'il était sortant des mains de la nature. Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. Je passe ensuite aux caractères et aux mœurs des habitans. On trouvera, peut-être, que j'ai fait une satire. Je puis protester, qu'en parlant des hommes, j'ai dit le bien avec facilité et le mal avec indulgence. Après avoir parlé des colons, j'entre dans quelques détails sur les végétaux et les animaux dont ils ont peuplé la colonie. L'industrie, les arts et le commerce de ces pays sont renfermés dans l'agriculture. Il semble que cet art simple devrait n'offrir que des mœurs aimables ; mais il s'en faut bien qu'on mène dans ces contrées une vie patriarcale. J'en excepte les Hollandais. La mort vient d'enlever M. de Tolback, gouverneur du Cap, qui m'avait obligé. Si les lignes que je lui consacre dans ces Mémoires ne peuvent plus servir à ma reconnaissance, puisse, du moins, l'exemple de sa conduite être utile à ceux qui gouvernent des Français dans l'Inde! J'aurais rendu un grand hommage à sa vertu, si je puis la faire imiter. Ces Lettres sont accompagnées d'un Journal de Marine, d'un Voyage autour de l'Ile-de-France, des événemens particuliers de mon retour, d'une explication abrégée de quelques termes de marine, et d'entretiens contenant des observations nouvelles sur la végétation. Il me reste à m'excuser sur les sujets mêmes que j'ai traités, qui paraissent étrangers à mon état. J'ai écrit sur les plantes et les animaux, et je ne suis point naturaliste. L'histoire naturelle n'étant point renfermée dans des bibliothèques, il m'a semblé que c'était un livre où tout le monde pouvait lire. J'ai cru y voir les caractères sensibles d'une Providence ; et j'en ai parlé, non comme d'un système qui amuse mon esprit, mais comme d'un sentiment dont mon cœur est plein. Au reste, je croirai avoir été utile aux hommes, si le faible tableau du sort des malheureux noirs peut leur épargner un seul coup de fouet, et si les Européens qui crient en Europe contre la tyrannie, et qui font de si beaux traités de morale, cessent d'être aux Indes des tyrans barbares. Je croirai avoir rendu service à ma patrie, si j'empêche un seul honnête homme d'en sortir, et si je puis le déterminer à y cultiver un arpent de plus dans quelque lande abandonnée. Pour aimer sa patrie, il faut la quitter. Je suis attaché à la mienne, quoique je n'y tienne ni par ma fortune ni par mon état ; mais j'aime les lieux où, pour la première fois, j'ai vu la lumière, j'ai senti, j'ai aimé, j'ai parlé. J'aime ce sol que tant d'étrangers adoptent, où tous les biens nécessaires abondent, et qui est préférable aux deux Indes par sa température, par la bonté de ses végétaux et par l'industrie de son peuple. Enfin, j'aime cette nation où les relations sont plus nombreuses, où l'estime est plus éclairée, l'amitié plus intime, et la vertu même plus aimable. Je sais bien qu'on trouve en France, ainsi qu'autrefois à Athènes, ce qu'il y a de meilleur et de plus dépravé. Mais enfin, c'est la nation qui a produit Henri IV, Turenne et Fénelon. Ces grands hommes qui l'ont gouvernée, défendue et instruite, l'ont aussi aimée.