Ivan le terrible
9781465651501
208 pages
Library of Alexandria
Overview
L'année de la création 4013 et de la rédemption 1565, par une accablante journée d'été, le 28 juin, le jeune prince Nikita Sérébrany arrivait au village de Medvedevka à trente verstes de Moscou. Il était suivi d'une troupe de guerriers et de vassaux. Le prince venait de passer cinq années entières en Lithuanie. Le tzar Ivan l'avait envoyé chez le roi Sigismond pour signer une paix durable. Dans cette circonstance le choix du tzar avait été malheureux. Le prince Nikita soutint sans doute avec énergie les intérêts de son pays et, sous ce rapport, aucun autre ambassadeur n'eût mieux rempli sa mission, mais Sérébrany n'était pas né pour les négociations. Rejetant les finesses de la science diplomatique, il voulut conduire l'affaire simplement et, au grand chagrin des secrétaires qui l'accompagnaient, il ne leur permit aucun détour. Les conseillers du roi, déjà prêts à faire des concessions, profitèrent promptement de la franchise du prince; ils surent lui arracher le secret de son côté faible et augmentèrent d'autant leurs prétentions. Alors il perdit patience: en pleine diète, il frappa du poing sur la table et déchira le traité qui n'attendait que sa signature. «Vous et votre roi, s'écria-t-il, êtes des gens à double face! Je vous parle selon ma conscience et vous ne pensez qu'à me tromper par vos ruses!» Cette violente apostrophe anéantit en un instant tous les résultats obtenus dans les précédentes conférences et Sérébrany n'eût pas échappé au courroux de son maître si, par bonheur pour lui, ne fût arrivé le même jour, de Moscou, l'ordre de ne pas conclure la paix et de poursuivre les hostilités. Ce fut avec joie que Sérébrany quitta Vilna et changea son habit de velours contre une brillante cotte de mailles. Il montra qu'il était plus brave soldat qu'habile diplomate et sa valeur lui acquit une grande renommée aussi bien chez les Russes que chez les Lithuaniens. L'extérieur du prince correspondait à son caractère. Les traits distinctifs de son visage, plutôt agréable que beau, étaient la simplicité et la franchise. Dans ses yeux d'un gris foncé, ombragés de cils noirs, un observateur aurait lu une décision extraordinaire et pour ainsi dire inconsciente, qui ne lui permettait pas de réfléchir une seconde au moment de l'action. Des sourcils hérissés, réunis l'un à l'autre, indiquaient un certain désordre et un manque de suite dans les idées; mais la bouche, bien dessinée et légèrement arquée, exprimait une inébranlable fermeté et le sourire une bonté sans prétention, presqu'enfantine, qui eût pu quelquefois faire douter de son intelligence, si la noblesse qui respirait dans chacun de ses traits n'eût garanti que le cœur sentait ce que l'esprit avait peut-être de la peine à comprendre. L'impression générale était en sa faveur et faisait naître la certitude qu'on pouvait hardiment se confier à lui dans toutes circonstances réclamant de la résolution et du dévouement.