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L'anti-moine

Anonymous

9781465640369
213 pages
Library of Alexandria
Overview
A tous les Etres pensants, morts, nés & à naître, Salut, joie, bénédiction, santé. Que chacun prenne ce qui lui convient, je ne me charge en aucune façon de faire les lots, j'aurois trop à courir. Mes chers confreres, je vous dédie l'Anti-moine, bien persuadé qu'en votre qualité d'Etres pensants, vous pensez comme moi sur le compte de tous les faquins de Moines. Ce sont tous autant de Menins de la Cour de Belzebuth, qui, avec le titre de Religieux, se moquent de la Religion, & la font servir à leurs passions: il y a bien des siécles que cette mascarade dure, il est tems que le Carnaval finisse. Des Serinettes humaines, accoutumées à siffler des pensées, m'accuseront peut-être d'en avoir trop dit sur leur compte; sont-elles faites pour penser? Non: doivent-elles être écoutées! Point du tout. Vous ne me ferez point de reproche, cela me suffit. Vous me demanderez quel est le motif qui m'a engagé à traiter cette matiére: l'esprit du patriotisme. La réforme des Moines produiroit au Roi des ressources immenses, tandis que leur existence ne produit aucun bien. Qu'on supprime les Moines, ou, ce qui reviendroit bientôt au même, qu'il leur soit fait défense de recevoir des Religieux avant vingt-cinq ans; qu'on donne à ceux qui existent une pension de trois cens livres; que le Roi prenne le reste pour aider à payer les dettes de l'État & à soulager ses peuples comme il le desire: ceci joint aux autres moyens que la sagesse du ministere employe, ne tarderoit pas à liquider les dettes de la France, & nous pourrions sans Moines, plutôt que sans argent, nous rédimer des pertes que nous avons faites, & voir notre Patrie reprendre son ancienne splendeur. Mais, dirons de petits génies, ôter les biens donnés aux Moines, ce sont des biens consacrés à Dieu même, ce seroit les profaner que de détourner leur destination à un autre usage que celui pour lequel ils ont été donnés. Ce seroit les profaner! Répondez-moi petits échos monastiques, ne sont-ils pas cent fois plus profanés, ces biens, lorsque les mêmes Moines s'en servent à entretenir des filles, à se nourrir voluptueusement, à se loger splendidement? voilà cependant l'emploi qu'ils en font. Concevez donc, si vous pouvez le concevoir, que les Fondateurs n'ont eu d'autre intention que d'aider des pauvres, à se nourir pauvrement; que les donations multipliées les ont rendus riches, que les richesses les ont remplis d'orgueil, & que l'orgueil a apporté dans les Cloîtres tout autant de péchés mortels que la Religion en compte, & que le cœur humain en peut contenir. J'entends un escadron coiffé, prendre leur défense, & dire: mais ils prient Dieu pour notre conversion. Allez, bonnes femmes, allez, qu'ils prient Dieu pour la leur, ils auront assez à faire. Si vous fondez votre salut sur de semblables priéres, je le crois bien avanturé. De prétendus politiques viennent encore à la charge, & me disent que les Cloîtres sont des asyles bien commodes pour des familles nombreuses ou ruinées. Je n'ai qu'une demande à faire à ces Messieurs: comment fait-on dans tous les Royaumes & Républiques où le nom de Moine n'est pas connu? D'ailleurs tout Etre pensant trouvera indigne & dénaturé à des peres & meres de forcer des enfants à s'ensevelir tous vivants dans un Monastére; ils leur ont donné la naissance pour contenter leurs plaisirs, ils leur donnent la mort pour satisfaire leur cupidité; est-il rien de plus affreux? Quand on ne retireroit de l'abolition des Moines que l'avantage d'empêcher des Citoyens d'être toute leur vie malheureux, n'est-ce pas un motif assez puissant pour la faire desirer?