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Les aventures de Don Juan de Vargas, racontées par lui-même Traduites de l'espagnol sur le manuscrit inédit par Charles Navarin

9781465637079
201 pages
Library of Alexandria
Overview
Retiré dans ma ville natale après avoir mené l'existence la plus orageuse, j'occupe les dernières années de ma vieillesse à écrire cette relation. J'ai parcouru les deux Indes, et concouru par mon épée au triomphe de la croix et à l'augmentation des domaines du roi notre seigneur, que Dieu protége. J'ai échappé à mille dangers, grâce à la protection de Notre-Dame d'Atocha, à laquelle ma mère m'avait voué dès mon enfance. Maintenant, vieux et cassé, sans récompense de mes services, retiré dans la petite maison de mes ancêtres, je n'attends rien des hommes, et je n'ai plus confiance qu'en la miséricorde de Dieu et en l'intervention de Notre-Dame, ma protectrice et ma patronne. Mon père, don André de Vargas, descendait d'un des compagnons du vaillant roi Pelage qui se réfugièrent dans les montagnes des Asturies, plutôt que de plier sous le joug des ennemis de notre sainte loi; maints champs de bataille furent teints du sang de mes ancêtres, sang versé pour la défense de notre sainte foi catholique, et dont il leur est sans doute tenu compte dans le ciel. L'un d'eux, Garci Perez de Vargas, accompagna le saint roi Ferdinand à la conquête de Séville: dans un combat sa lance se rompit; mais, arrachant une forte branche d'un olivier voisin, il abattit tant de mécréants, qu'il reçut le surnom de machuca (massue). Un autre de mes ancêtres prit part à la conquête de Jaen, et reçut pour sa récompense quelques terres aux environs de cette ville, où ma famille vécut long-temps dans l'aisance; mais don André, mon père, poussé par la noblesse de son sang, dépensa presque tout son bien au service des rois catholiques. Il se distingua dans les guerres d'Italie, et fut un des premiers qui plantèrent l'étendard de la croix sur les tours de l'Alhambra. Blessé grièvement dans cette occasion, il se retira dans sa patrie, n'emportant pour prix de ses exploits que ses blessures et la croix d'Alcantara, récompense plus précieuse pour un gentilhomme espagnol que ne l'auraient été tous les trésors des rois maures. De retour dans sa maison, qu'il trouva presqu'aussi délabrée par le temps qu'il l'était par la vieillesse, il épousa doña Maria de Caravajal, qui était comme lui mieux partagée du côté de la noblesse que de la fortune; elle descendait de la maison de Caravajal, dont je parlerai dans le chapitre suivant: car, s'il est permis au fils d'un maltotier de décorer de bronze et de marbre le tombeau de celui dont il roule le sang bourbeux, c'est un droit et un devoir pour un gentilhomme de sang bleu qui a méprisé les biens de la fortune d'employer sa plume à célébrer la gloire de ses ancêtres.