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Le petit-neveu de Grécourt ou Étrennes gaillardes Recueil de Contes en vers, réimprimés sur l'édition de 1782

Anonymous

9781465636249
200 pages
Library of Alexandria
Overview
Ce n'est pas une Épître dédicatoire que je vous adresse, c'est une simple Lettre que je vous écris; n'y cherchez donc ni tournures délicates, ni périphrases ingénieuses, ni tout ce qui sent l'Auteur. Je ne le suis pas, Dieu merci: je ne suis qu'un Éditeur gai et gaillard; j'ai consacré quinze ou vingt jours, plus ou moins, à rassembler des Contes joyeux, pour vous rendre une fois le plaisir que vous m'avez donné mille. De toutes les Francomtoises qui embellissent et récréent la Capitale, vous êtes sans contredit la plus aimable: votre taille est svelte, vos yeux sont noirs et vifs, vos genoux charnus et ronds, vos mains potelées, vos joues parées des plus belles couleurs; enfin vous êtes à trente ans ce qu'une autre femme est à vingt. Vous croyez peut-être, ma chère Commère, que ma franchise ordinaire a fait place au ton complimenteur, détrompez-vous: tel je suis en parlant, tel en écrivant, et je vais vous répéter ce que je vous ai dit vingt fois sans que votre amour-propre en ait paru blessé, tant vous êtes modeste! Votre sein n'est ni plus ferme, ni plus rond qu'un autre, votre petit pied fait mentir le proverbe; mais ces légères imperfections servent d'ombres au tableau: vous n'en êtes pas moins chère à tous ceux qui vous connoissent, on ne parle de vous qu'avec feu, et je sais bien pourquoi: c'est que dans un siècle où chacun vante beaucoup l'humanité, vous êtes humaine autant qu'on peut l'être. Avec quel désintéressement ne venez-vous pas au secours d'une foule d'Amateurs! votre main s'ouvre pour les uns, et votre cœur pour les autres. Vous savez que la faiblesse humaine et vos charmes changent une offrande libre en un impôt forcé, et malgré cela, vous ne rançonnez personne. Le pauvre Abbé Piquet, le petit Vicaire de notre Paroisse, et le Père Briffard, que j'ai rencontrés ce matin, me le disaient encore; tel Géomètre le démontre, et tel Musicien le chante à qui veut l'entendre. Si tous ces Messieurs publient votre générosité sur les toits, puis-je faire moins que de l'élever jusqu'aux nues, moi que vous avez distingué dans la foule, moi à qui vous avez accordé tant de faveurs piquantes pour le seul plaisir de m'en accorder, moi enfin à qui vous avez avoué en rougissant que j'avais fait votre conquête? Je serais le plus ingrat des hommes, ma Commère, si je ne continuais pas à vous voir sur le même pied, surtout lorsque mes facultés et votre manière d'agir à mon égard s'accordent si bien ensemble. Cependant il ne sera pas dit que je ne cherche pas à m'acquitter envers vous; je sais que vous aimez la belle littérature, je vous ai surprise plus d'une fois le Moyen de parvenir à la main, et je me suis même aperçu que, douée d'une imagination très vive, vous vous trouvez, à la suite de vos lectures, dans des dispositions qui tournent à bien pour vous, et à mal pour moi; mais dussé-je risquer de nouvelles fatigues, je vous offre ce petit Recueil, en vous priant de le lire, de le recommander à vos amis, et surtout de l'envoyer à Besançon. Sur ce, ma Commère, je vous baise les mains. Ne soyez pas étonnée que je ne vous fasse aujourd'hui ma cour que par écrit: notre dernière entrevue m'a mis pour quelque temps hors d'état de vous la faire autrement; ce qui n'empêche pas que mon amour ne réponde au vôtre