Voyage aux montagnes Rocheuses
9781465635051
311 pages
Library of Alexandria
Overview
Vous vous attendez sans doute à des détails intéressants sur mon long, très-long voyage de Saint-Louis jusqu’au delà des Montagnes Rocheuses (Rocky Meuntains). J’ai mis soixante jours à traverser le fameux désert américain, et près de quatre mois à revenir sur mes pas par un nouveau et très-hasardeux chemin. Envoyé par le T. R. évêque et par mon provincial pour nous assurer des dispositions des sauvages et des succès probables qu’on pourrait espérer en établissant une mission au milieu d’eux, je quittai Saint-Louis le 27 mars 1840, dans un bateau à vapeur, et je remontai le Missouri à une distance de 500 milles, pour me rendre aux frontières de l’Etat. Le navire où j’étais embarqué était (comme ils le sont tous dans ce pays où l’émigration et le commerce ont pris une si grande extension) encombré de marchandises et de passagers de tous les Etats de l’Union; je puis même dire de différentes nations de la terre, blancs, noirs, jaunes et rouges, avec les nuances de toutes ces couleurs. Le bateau ressemblait à une petite Babel flottante, à cause des différents langages et jargons qu’on y entendait. Ces passagers débarquent pour la plupart sur l’une et l’autre rive, pour y ouvrir des fermes, y construire des moulins, diriger des fabriques de toutes sortes d’espèces; ils augmentent de jour en jour le nombre des habitants des petites villes et des villages qui s’élèvent comme par enchantement sur les deux rives. A mesure que l’on remonte la rivière, on trouve le pays charmant et rempli d’intérêt, diversifié par des rochers à pic et des coteaux d’argile très-élevés et souvent entrecoupés. Les bas-fonds présentent à l’œil une grande variété d’arbres et d’arbrisseaux, des chênes et des noyers de douze différentes espèces; le sassafras et l’accacia triacanthos, dont les fleurs embaument l’air de leurs parfums; l’érable, qui le premier s’enveloppe de la livrée du printemps; le sycomore, platanus occidentalis, roi de la forêt de l’ouest, s’érige dans les formes les plus gracieuses, avec de vastes branches, étendues et latérales, couvertes d’une écorce d’un blanc brillant, et ajoute un trait distinctif de grandeur à l’imposante beauté des forêts. J’en ai vu qui mesuraient quinze pieds et demi de diamètre. Le cotonnier, populus deltoides, est un autre géant qui croît à une hauteur prodigieuse; le bignonia radicans paraît s’y accrocher de préférence, monte jusque dans ses sommets, et déploie une profusion de grandes fleurs de couleur de flammes et à formes de trompettes. Le voyageur admire ici les mille grandes et hautes colonnes du cotonnier, enveloppées, de la terre jusqu’aux branches, d’une draperie de lierre d’une profonde verdure. C’est un de ces charmes de la nature qu’on ne peut se lasser de contempler. Le cornouiller, cornus florida, et le bouton rouge, cercis canadencis, tiennent le milieu de l’arbre et de l’arbrisseau. Le premier a une belle feuille en forme de cœur et étend ses branches en parapluie; elles se couvrent dans le printemps de brillantes fleurs blanches; dans l’automne, elles présentent de belles baies écarlates. L’autre est le premier arbrisseau qu’on voit en fleurs le long du Missouri.