Chronique du crime et de l'innocence
Recueil des événements les plus tragiques (Complete)
9781465630001
400 pages
Library of Alexandria
Overview
«Aimer à lire, disait Montesquieu, c'est faire un échange des heures d'ennui, que l'on doit avoir en sa vie, contre des heures délicieuses.» Cette pensée de l'un des plus puissans génies du dernier siècle ne saurait rencontrer beaucoup de contradicteurs dans le nôtre. La lecture est devenue une des passions de notre époque. On en peut juger, non seulement par les feuilles sans nombre et de toute espèce qui alimentent périodiquement le public, mais encore par cette foule de livres nouveaux qui semblent se disputer une petite place sur les façades de nos cabinets littéraires, comme les tableaux de nos artistes au salon. Toutefois, parmi toutes ces productions nouvelles, objets de l'empressement général, il est des genres privilégiés qui attirent plus particulièrement l'attention, et que l'on recherche avec une sorte de friandise. La lecture a ses modes changeantes, comme la toilette; du temps de madame de Sévigné, on se laissaitprendre comme à la glu par les romans de la Calprenède; on se plaisait aux sentimens exaltés et aux grands coups d'épée des héros de mademoiselle de Scudéry. Les mœurs de la licencieuse Régence firent éclore en foule des livres licencieux comme elle. Les ouvrages philosophiques leur succédèrent, et dès lors, l'instruction gagnant de proche en proche, les lectures instructives ramenèrent la nation aux choses sérieuses de la vie. Au commencement de ce siècle, les victoires de l'empire et son inexorable censure imposèrent un pénible régime à la classe des lecteurs: grâce aux bulletins de nos armées triomphantes, il fallait, à toute force, ne se repaître que de gloire. Aujourd'hui, convenons-en, c'est toute autre chose; jamais revanche ne fut si complète; nous nous dédommageons largement de notre longue abstinence. Mais le goût du public a changé. Le genre qu'il aime, qu'il affectionne par-dessus tout, c'est l'horrible, genre à part, que d'Arnaud-Baculard, il y a soixante ans, voulait impatroniser sur la scène française, et qu'il regardait comme une source d'intérêt non moins féconde que la terreur et la pitié classiques. Que demande-t-on à présent à la lecture comme au théâtre? De fortes secousses nerveuses, des palpitations quasi-anévrismales, des émotions spasmodiques; on se plaît à passer par tous les effrayans prestiges du galvanisme; on veut des peintures sanglantes jusqu'à l'horreur, des caractères monstrueux jusqu'au dégoût; et, comme le disait dernièrement un journal: «Depuis quelques années, nous avons une soif croissante de connaître l'histoire des crimes et des calamités humaines.» C'est dans le but de répondre à cette nécessité du moment, c'est dans l'espoir de plaire à la majorité des lecteurs, que nous publions la Chronique du Crime et de l'Innocence. Il nous a paru curieux, intéressant, et même instructif, de présenter, comme dans un vaste panorama, les actions les plus criminelles dont la France fut le théâtre. C'est un spectacle bien affreux sans doute, mais aussi bien digne de réflexion, que celui du crime dans toutes ses métamorphoses les plus hideuses, tour-à-tour et quelquefois en même temps assassin, empoisonneur, incendiaire, parricide; tantôt échappant, comme un Protée, à toutes les investigations de la justice; tantôt faisant tomber sur l'innocence le glaive de la loi levé sur lui; trop souvent même assez audacieux pour venir siéger parmi les juges. Le titre détaillé de notre ouvrage fait suffisamment connaître la marche que nous avons suivie. C'est l'histoire à la main, que nous avons rédigé toute la portion de notre travail qui traite des temps reculés. Quelques vieilles chroniques, l'histoire générale de France, l'histoire particulière de chaque province, celle d'un grand nombre de villes, des mémoires historiques, telles sont les principales mines que nous avons exploitées. Ce n'est pas que nous ayons la prétention d'avoir tout mentionné. Plus d'une fois l'absence totale de détails nous a forcé de négliger des faits susceptibles d'être de notre domaine.