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Histoire de Jane Grey

9781465605672
123 pages
Library of Alexandria
Overview
Les impressions involontaires de l'âme ne fécondent pas moins l'histoire que la poésie. Le temps les assoupit au fond de la conscience, où elles semblent ensevelies à jamais. Cependant, à des souffles soudains et lorsqu'on les croit mortes ou du moins endormies, elles s'éveillent comme des inspirations de ce monde mystérieux que tout homme porte en soi. Dans la poésie, les impressions n'ont besoin que d'idéal; dans l'histoire il leur faut avant tout la vérité, à laquelle on ne parvient qu'à trois conditions: l'observation du cœur humain, l'érudition des sources, la réflexion des effets et des causes. Le reste sera donné par surcroît. Les détails innombrables, les récits, les portraits, les aperçus philosophiques jailliront successivement d'une grande impression. Sans l'impression, la science ne suffirait pas. La science est la lumière, elle brille; l'impression est le feu, elle échauffe, elle pénètre, elle vivifie. Je me souviens qu'à l'époque où je poursuivais en Angleterre les aventures de Marie Stuart, un jour, un autre nom m'entraîna dans un doux horizon d'innocence et de paix. Ce nom était celui de Jane Grey. Cette princesse, du même sang que Marie Stuart, descendait de la plus jeune sœur de Henri VIII, comme la reine d'Écosse de la sœur aînée de ce monarque. Toutes deux issues de Henri VII, leur aïeul au même degré, devaient être livrées au bourreau par les filles féroces de Catherine d'Aragon et d'Anne Boleyn. La protestante Élisabeth fit trancher la tête de Marie Stuart dans le comté de Northampton, un quart de siècle après que la catholique Marie Tudor avait immolé Jane Grey entre les murs funèbres de la Tour de Londres. Un instant attiré par cette touchante princesse Jane, je l'avais contemplée au milieu des perspectives de Bradgate et de Charnwood, puis je l'avais bientôt quittée pour ressaisir les traces de Marie Stuart, jusqu'au château de Fotheringay, jusqu'à la fosse de Peterborough, jusqu'au caveau de Westminster. Maintenant, libre de l'Écosse et de la nièce des Guise, je reviens à Jane Grey dont l'exquise adolescence renferme, sous un linceul, un rayon de beauté, une flamme d'amour, un parfum de vertu et une certitude d'immortalité. Jane naquit dans le comté de Leicester en 1537. Par les Grey, ses ancêtres paternels, son blason se perdait, au delà de la conquête de Guillaume, dans la nuit des blasons normands. Par ses ancêtres maternels, elle appartenait, on le sait, à Henri VII. La plus jeune des filles de ce roi, la princesse Marie d'Angleterre, qui épousa Louis XII, fut la grand'mère de Jane. Marie, de la complexion des Tudors, dans le sang de laquelle il y avait une étincelle de ce brasier qui brûlait le sang de Henri VIII, avait été comme fiancée à Charles-Quint. Destinée par la politique à ce premier prince, la politique encore la poussa violemment dans les bras de Louis XII, tandis que Marie était éperdûment éprise de Charles Brandon, plus tard duc de Suffolk.