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La pêcheuse d'âmes

9781465603364
pages
Library of Alexandria
Overview
Après une longue absence, Zésim Jadewski revenait dans son pays. Jusqu'alors il avait été garnison à Moscou, à Pétersbourg, et même pendant quelque temps dans le Caucase. A peine eut-il foulé avec son régiment le sol sacré de l'antique Kiew, l'ancienne ville des czars, qu'il demanda un congé; et maintenant il se rendait en toute hâte chez sa mère, qui possédait un domaine dans le voisinage. Le soleil avait presque disparu derrière la forêt lointaine. Il n'y avait plus que les cimes des arbres où flottât encore légère teinte rouge. Plaines, collines, bois, hameaux, châteaux s'apercevaient maintenant à travers le voile gris transparent du crépuscule du soir. Les bêtes fauves regagnaient leurs tanières, et dans les broussailles qui bordaient les pâturages se montraient des flammes errantes, feux follets ou yeux brillants de quelque loup, en quête d'une proie. Dans leur course rapide, ils franchirent un marais, passèrent sur un pont en ruine, traversèrent un petit bois de hêtres, et arrivèrent enfin au village de Koniatyn. De tous les côtés s'élevait une fumée bleuâtre: ici elle sortait d'une cheminée de pierre; là elle se frayait un passage à travers un toit de chaume noirci. Une vapeur légère flottait autour des cabanes basses; elle s'élevait des haies et des vergers. Par les portes ouvertes on voyait la lueur rouge des âtres; les chiens aboyaient avec fureur. Auprès du puits se tenaient des jeunes filles avec de longues tresses et les pieds nus, qui remplissaient leurs seaux de bois. Il faisait maintenant tout à fait sombre. Zésim se pencha hors de la voiture pour découvrir la maison paternelle. Elle était là; là s'étendait son toit entre les hauts peupliers, et à l'une des petites fenêtres brillait une lumière. Le jeune officier sentit un attendrissement de bonheur dans son âme. Déjà le vieux chien de chasse aveugle de son défunt père le saluait avec un gémissement de joie. La porte s'ouvrit; la calèche entra dans la cour; il était dans ses foyers. Sa bonne et douce mère descendit les marches du perron. Il se jeta dans ses bras; elle le regarda, le toucha pour s'assurer que c'était bien lui, le cher enfant, le fils dont elle avait si longtemps privée. Puis elle traça le signe de la croix sur son front et lui donna un baiser.