Title Thumbnail

Musiciens d'autrefois

9781465592491
108 pages
Library of Alexandria
Overview
La musique commence seulement à prendre dans l’histoire générale la place qui lui est due. Chose étrange qu’on ait pu prétendre à donner un aperçu de l’évolution de l’esprit humain, en négligeant une de ses plus profondes expressions. Mais ne savons-nous pas combien les autres arts, mieux favorisés pourtant, plus accessibles à l’intelligence française, ont eu de peine à acquérir droit de cité dans l’histoire générale? Et y a-t-il si longtemps que celle-ci s’est ouverte à l’histoire de la littérature, des sciences, de la philosophie, de toute la pensée humaine? Cependant la vie politique d’une nation n’est que l’aspect le plus superficiel de son être. Pour connaître sa vie intérieure, source de son action, il faut pénétrer jusqu’à l’âme par la littérature, la philosophie, les arts, où se sont reflétés les idées, les passions, les raves de tout un peuple. On sait quelles ressources la littérature offre à l’histoire, de quelle aide, par exemple, la poésie cornélienne et la philosophie cartésienne peuvent être pour comprendre les générations françaises des traités de Westphalie, ou combien la Révolution de 89 resterait lettre morte si l’on n’était familiarisé avec la pensée des Encyclopédistes et des salons du XVIIIesiècle. On s’est rendu compte aussi des précieux renseignements que fournissent les arts plastiques pour la connaissance d’une époque: c’est sa physionomie même, ce sont les types, les gestes, les costumes, les modes, tout le visage de la vie journalière qui ressuscite. Et que d’indications pour l’histoire! Tout se tient: toute révolution politique a son contre-coup dans une révolution artistique, et la vie d’une nation est un organisme où tout est lié, les phénomènes économiques et les phénomènes artistiques. Des ressemblances et des différences de monuments gothiques ont permis à un Viollet-le-Duc de retrouver les grandes voies de commerce du XIIe siècle. L’étude d’une partie d’architecture, du clocher, par exemple, a pu montrer les progrès de la royauté de France, la pensée de l’Île-de-France imposant aux écoles provinciales, depuis Philippe Auguste, son type de construction. Mais le grand service historique des arts, c’est de nous mettre en contact avec le cœur d’une époque, de nous faire toucher le fond de sa sensibilité. En apparence, littérature et philosophie renseignent avec plus de clarté, réduisant en formules nettes et précises les caractères d’un temps. Mais elles y introduisent une simplification factice, elles en donnent une idée raidie et appauvrie. L’art se modèle sur la vie; Et ce qui ajoute à son prix, c’est que son domaine est infiniment plus étendu que celui de la littérature. Nous avons dix siècles d’art en France, et nous nous contentons le plus souvent, pour juger de l’esprit français, de quatre siècles de littérature. De plus, notre art du moyen âge, par exemple, nous introduit dans la vie des provinces, sur laquelle notre littérature classique ne nous dit presque rien. Peu de pays sont faits d’éléments plus disparates que le nôtre. Races, traditions, milieux sont différents, et parfois opposés: Italiens, Espagnols, Allemands, Suisses, Anglais, Flamands, etc. Une forte unité politique a fondu tous ces éléments, a établi une moyenne, un équilibre entré les civilisations qui se heurtaient chez nous. Mais si cette unité est marquée dans notre littérature, les nuances multiples qui composent notre personnalité y sont bien atténuées. L’art nous donne une image beaucoup plus riche du génie français. C’est une sorte non de grisaille monochrome, mais de verrière de cathédrale, où toutes les couleurs du ciel et de la terre s’harmonisent. Ce n’est pas là une simple image. Je songe aux rosaces gothiques, produit de l’art français, de l’art purement français de Champagne et d’Île-de-France, et je pense: voici le peuple dont on dit que la caractéristique est la raison et non l’imagination, le bon sens et non la fantaisie, le dessin et non le coloris! Et ce peuple a créé ces roses d’Orient mystiques!