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Le T�phone, Le Microphone Et Le Phonographe

9781465530844
pages
Library of Alexandria
Overview
UN COUP D’ŒIL HISTORIQUE. À proprement parler, le téléphone n’est qu’un instrument apte à transmettre les sons à distance, et l’idée de cette transmission est aussi ancienne que le monde. Les Grecs employaient des moyens susceptibles de la réaliser, et il n’est pas douteux que ces moyens n’aient été quelquefois mis à contribution dans les oracles du paganisme. Seulement cette transmission des sons ne sortait pas de certaines limites assez restreintes, ne dépassant pas sans doute celles des porte-voix. Suivant M. Preece, le document le plus ancien où cette transmission du son à distance soit formulée d’une manière un peu nette, remonte à l’année 1667, comme il résulte d’un écrit d’un certain Robert Hooke, qui dit à ce propos: «Il n’est pas impossible d’entendre un bruit à grande distance, car on y est déjà parvenu, et l’on pourrait même décupler cette distance sans qu’on puisse taxer la chose d’impossible. Bien que certains auteurs estimés aient affirmé qu’il était impossible d’entendre à travers une plaque de verre noircie même très-mince, je connais un moyen facile de faire entendre la parole à travers un mur d’une grande épaisseur. On n’a pas encore examiné à fond jusqu’où pouvaient atteindre les moyens acoustiques, ni comment on pourrait impressionner l’ouïe par l’intermédiaire d’autres milieux que l’air, et je puis affirmer qu’en employant un fil tendu, j’ai pu transmettre instantanément le son à une grande distance et avec une vitesse sinon aussi rapide que celle de la lumière, du moins incomparablement plus grande que celle du son dans l’air. Cette transmission peut être effectuée non-seulement avec le fil tendu en ligne droite, mais encore quand ce fil présente plusieurs coudes.» Ce système de transmission des sons, sur lequel sont basés les téléphones à ficelle qui attirent l’attention depuis quelques années, est resté à l’état de simple expérience jusqu’en 1819, époque à laquelle M. Wheatstone l’appliqua à sa lyre magique. Dans cet appareil, les sons étaient transmis à travers une longue tige de sapin dont l’extrémité était adaptée à une caisse sonore; de là à l’emploi des membranes utilisées dans les téléphones à ficelle, il n’y avait qu’un pas. Quel est celui qui eut cette dernière idée?… il est assez difficile de le dire, car beaucoup de ces vendeurs de téléphones se l’attribuent sans se douter même de la question. S’il faut en croire certains voyageurs, ce système serait depuis longtemps employé en Espagne pour les correspondances amoureuses. Quoi qu’il en soit, les cabinets de physique ne possédaient pas ces appareils il y a quelques années, et beaucoup de personnes croyaient même que la ficelle était constituée par un tube acoustique de petit diamètre. Cet appareil, quoique devenu un jouet d’enfant, est d’une grande importance scientifique, car il montre que les vibrations capables de reproduire la parole peuvent être d’un ordre infiniment petit, puisqu’elles peuvent être transmises mécaniquement à des distances dépassant cent mètres. Toutefois, au point de vue télégraphique, le problème de la propagation des sons à distance était loin d’être résolu de cette manière, et l’idée d’appliquer les effets électriques à cette sorte de transmission dut naître aussitôt qu’on put être témoin des effets merveilleux de la télégraphie électrique, ce qui nous reporte déjà aux époques qui suivirent l’année 1839. Une découverte inattendue faite par M. Page en 1837, en Amérique, et étudiée depuis par MM. Wertheim, de la Rive et autres, devait d’ailleurs y conduire naturellement; car on avait reconnu qu’une tige magnétique soumise à des aimantations et à des désaimantations très-rapides, pouvait émettre des sons, et que ces sons étaient en rapport avec le nombre des émissions de courants qui les provoquaient. D’un autre côté, les vibrateurs électriques combinés par MM. Mac-Gauley, Wagner, Neef, etc., et disposés dès 1847 et 1852 par MM. Froment et Pétrina pour la production de sons musicaux, prouvaient que le problème de la transmission des sons à distance était possible. Toutefois, jusqu’en 1854, personne n’avait osé admettre la possibilité de transmettre électriquement la parole à distance, et quand M. Charles Bourseul publia à cette époque une note sur la transmission électrique de la parole, on regarda cette idée comme un rêve fantastique. Moi-même, je dois l’avouer, je ne pouvais y croire, et quand, dans la première édition de mon exposé des applications de l’électricité publiée en 1854[1], je rapportai cette note, je crus devoir l’accompagner de commentaires plus que dubitatifs. Cependant, comme la note me paraissait bien raisonnée, je n’hésitai pas à la publier en la signant seulement des initiales Ch. B***. La suite devait donner raison à cette idée hardie, et quoiqu’elle ne renfermât pas en elle le principe physique qui seul pouvait conduire à la reproduction des sons articulés, elle était pourtant le germe de l’invention féconde qui a illustré les noms de Graham Bell et d’Elisha Gray. C’est à ce titre que nous allons reproduire encore ici la note de M. Charles Bourseul. «Après les merveilleux télégraphes qui peuvent reproduire à distance l’écriture de tel ou tel individu, et même des dessins plus ou moins compliqués, il semblerait impossible, dit M. B***, d’aller plus en avant dans les régions du merveilleux. Essayons cependant de faire quelques pas de plus encore. Je me suis demandé, par exemple, si la parole elle-même ne pourrait pas être transmise par l’électricité, en un mot, si l’on ne pourrait pas parler à Vienne et se faire entendre à Paris. La chose est praticable: voici comment